Les objets connectés, l'avenir de l'assurance ?
Depuis quelques années, la famille des objets connectés ne cesse de s’agrandir.
Après l’incontournable smartphone (près de 60% des Français équipés fin 2015), la tendance s’est élargie aux montres, bracelets connectés, “wearables” (objets connectés à porter sur soi) ou autres dispositifs domestiques (systèmes domotiques) qui envahissent, à chaque fête de fin d’année, les têtes de gondole des magasins.
Ainsi, partout dans le monde, le marché de “l’internet des objets” est présenté comme un véritable eldorado. En février 2015, le cabinet américain GFK annonçait que deux milliards d'objets connectés seront vendus en France d'ici à 2020, soit... au moins trente par personnes !
Au niveau mondial, les estimations varient du simple au triple. Si on compile les différentes études sur le sujet, entre 30 et 100 milliards d'objets "connectés" ou "intelligents", pourraient être en circulation d’ici 2020….
Cependant, dans les faits, le taux d’adoption réel des objets connectés reste faible : seulement 35 % de ménages français équipés en 2015 dont 22 % dotés d’une télévision connectée (étude Opinion Way réalisée pour #DISTREE Connect Days) : on trouve quand même plus innovant qu'une télé en matière d’objet connecté !
Les freins à l’adoption ? La valeur ajoutée apportée non perçue par les consommateurs ainsi que des prix encore relativement élevés.
Les opportunités liées aux objets connectés pour les assureurs
Parmi la multitude d’objets connectés existants, 3 types de produits intéressent d’ores et déjà les acteurs de l’assurance :
- le secteur le plus avancé est l’assurance automobile avec l’apparition de la voiture connectée capable d’évaluer le style de conduite de l'assuré et les risques qu’il court au volant ;
- l’assurance habitation est le second marché car une maison connectée est une maison plus sûre : elle peut alerter en cas d’intrusion, de fuite ou de court-circuit par exemple ;
- Enfin, l’assurance santé est le dernier marché préempté, à travers notamment le bracelet connecté capable de mesurer en continu l’état de santé d’un utilisateur et de l’inciter à adopter un meilleur comportement (alimentaire, ou en matière d’activité, etc.) afin de limiter son risque de maladie ou d’accident.
L’ensemble de ces nouveaux objets connectés représente de réelles opportunités pour les acteurs du marché de l’assurance.
La principale est de développer la connaissance client : en collectant une immense quantité de données (Big Data), les assureurs peuvent mieux analyser les comportements et habitudes des utilisateurs. Ils peuvent également segmenter plus finement leurs portefeuilles et donc proposer des offres mieux ciblées.
Les objets connectés sont également un moyen de mieux gérer les risques. Comment ? En communiquant des informations précises en temps réel, ils permettent à ces derniers d’anticiper la gestion des risques : de nouvelles informations sur les accidents et leur contexte sont collectés et les assureurs acquièrent ainsi une connaissance accrue de la sinistralité et de son contexte. Des éléments qui auront pour impact évident de réduire le nombre de sinistres grâce à une intervention plus rapide et plus efficace des services d’assistance.
Enfin, les objets connectés sont un levier majeur pour améliorer l’image des assureurs auprès du grand public et leur rôle sociétal. En développant de nouvelles offres en phase avec les innovations digitales, les assureurs vont indéniablement moderniser leurs produits et pouvoir proposer des services à forte valeur ajoutée pour les utilisateurs. Les lentilles intelligentes développées par Google et Novartis en sont un exemple probant car elles permettent aux diabétiques de mesurer en temps réel leur taux de glycémie. A travers les objets connectés, les assureurs ont donc l’occasion unique de passer d’un simple rôle d’indemnisation (sans véritable levier de différenciation) à un rôle de prévention pour proposer de nouveaux services et accompagner leurs assurés tout au long du parcours de soins. Un moyen puissant de développer ainsi la relation de confiance qu’ils entretiennent avec ces derniers.
Les inquiétudes des assurés vis à vis des objets connectés
Les objets connectés sont donc présentés auprès des assurés comme un moyen d’améliorer leur bien-être. A travers des services de coaching, d’assistance, de monitoring, les assureurs promettent une meilleure santé et une couverture plus complète des risques tout en réduisant le coût des contrats (enfin sous réserve d’un comportement responsable tout de même...). Un tableau idyllique en somme.
Cependant, l’arrivée des objets connectés soulève également quelques craintes légitimes.
La collecte massive de nombreuses données à caractère personnel est l’une des principales inquiétudes du grand public (particulièrement pour les données liées à la santé) car elle pose inévitablement la question de leur confidentialité et de leur protection. Quelles garanties auront les clients quant au respect de leur vie privée ? Les réseaux en charge de la récupération des données sont-ils vraiment sécurisés ? Quelle législation adopter pour garantir une exploitation raisonnée des données ? Les assureurs ne vont-ils pas être séduits par la revente d'une partie de leurs données à des régies publicitaires ou à d’autres annonceurs compte tenu de la manne financière non négligeable qu'elles représentent ?
Chaque acteur du marché va donc devoir s’interroger et trouver des réponses claires pour rassurer les futurs assurés sur le fait que les bénéfices apportés par l’utilisation d’objets connectés seront supérieurs aux inconvénients qu’ils représentent pour sa vie privée.
La deuxième question majeure qui apparaît à travers la montée en puissance massive des objets connectés est la suivante : les datas produites par les objets connectés et l'amélioration de la connaissance client consécutive vont-elles entraîner une individualisation de l’offre et l’ajustement de la prime pour " ceux qui n’ont pas de difficultés à se conformer aux standards de prévention ", comme s’interroge le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) à l'occasion de la sortie annoncée en France de l'offre Vitality de Generali, ou creuser les inégalités ? En effet, l’hyper personnalisation permise via les objets collectés remet-elle en cause le système actuel de mutualisation des primes d’assurance ?
Ainsi, l’assureur Direct Assurance teste déjà une nouvelle offre “YouDrive” dans laquelle le tarif des primes varie en fonction de la conduite de l’assuré. Construit sur le modèle émergent du « Pay How You Drive », le système fonctionne grâce à un boîtier intelligent, connecté à une application mobile. Disposé à l’intérieur du véhicule, le boîtier enregistre et analyse des données de conduite telles que le niveau de freinage ou encore l’anticipation des virages. Avec ce système, un bon conducteur pourra réduire sa facture mensuelle jusqu’à 50 %. A l’inverse, un chauffard pourra voir sa note augmenter jusqu’à 10 %.
Pourtant, les craintes vis à vis de l’émergence des objets connectés ne sont pas réservées uniquement aux assurés : l’évolution de ce marché pourrait également impacter fortement les acteurs traditionnels de l’assurance. En effet, les fabricants d’objets connectés récoltent beaucoup d’informations sur les usagers et pourraient à leur tour être en capacité d’évaluer le risque en matière d’assurance…
Une sorte d’uberisation en sorte où les rôles seraient ainsi inversés : l’assureur classique passant du statut d’exploitant d’objets connectés à celui de sous-traitant, au service de l’entreprise qui fabrique ces objets. Une situation parfaitement résumée dans cette image empruntée à OuiShare :
Chez Otherwise, nous sommes convaincus que l'avènement des objets connectés et plus généralement le développement des capacités d'analyse de données (ce qu'on appelle improprement Big Data) est une opportunité pour les assurés... s'ils sont associés à la démarche, une démarche équitable, solidaire et transparente.